Accéder au contenu principal

Die, universe, die !

Je lisais un article en ligne expliquant comment, en analysant la lumière de galaxies vieilles de deux milliard d'années, des scientifiques en sont venus à la conclusion que l'univers produit moins d'énergie aujourd'hui qu'à l'époque et donc que les processus de mort thermique* de l'univers seraient déjà bien enclenchés. Je vous rassure tout de suite, ce sont des processus longs, et il faudra encore quelques milliards d'années, dans le pire des cas, avant que ça ait des conséquences sur la vie courante. D'ici là, la mort tout court de notre soleil sera un problème nettement plus urgent.

On peut bien évidemment contester ces analyses sur des problèmes de taille d'échantillon, de méthodologie, etc. C'est le processus normal de la science, et il y a gros à parier que des labos vont s'emparer de ces résultats pour les passer à la loupe et à la moulinette, pas forcément dans cet ordre. Ce qui validera ces recherches ou les invalidera, on n'en sait encore rien.

Après avoir lu cet article assez court, j'ai eu le malheur de descendre sur la page. Et de tomber sur les commentaires. Et pourtant, dans la presse quotidienne, j'ai à peu près totalement arrêté de lire les commentaires, qui sont généralement des nids de trolls, de crétins divers et de petits soldats de l'extrême droite commentant tous les faits divers par "tiens, on ne parle pas de l'origine du suspect, étonnant, non ?" ou truc fielleux du genre.

Là, c'est ma souris qui a ripé. C'était un accident. Elle est toute neuve, je l'ai achetée l'autre jour à cinq euros pour remplacer celle dont le fil** avait lâché (et que j'avais payée nettement plus cher à l'époque).

Et donc, là, ça a été un festival. Du coup, fasciné par le truc comme un conducteur sur la route des vacances qui ralentit pour regarder un accident de bagnole, j'ai lu TOUS les commentaires de l'article. Et tous, presque sans exception, m'ont conduit à me demander s'il n'y aurait pas moyen de militariser le virus ebola pour l'envoyer par mail à ces commentateurs. La connerie n'est pourtant pas un crime. Il parait même que dire des conneries est un droit constitutionnel (je site quasiment verbatim Michel Rocard, qui parlait je crois de Ségolène Royal). Mais bon, ça commençait fort : dans un long post mélangeant un peu tout et ne comprenant visiblement pas que quantifier de l'énergie n'est pas si compliqué, un brave garçon balançait cet argument massue "Comment des scientifiques pourraient quantifier et mesurer l'énergie il y a de cela 2 milliards d'années puisqu'ils n'étaient même pas nés !".

En fait, c'est ce commentaire là qui m'a bien énervé (la moitié des commentaires de la page suivante, très mesurés,  précisait que la notion de mort thermique n'avait rien de nouveau). Ce qui m'a énervé aussi, c'est que personne n'a été rappeler à ce triste personnage une notion complètement basique en astronomie : la vitesse de la lumière étant énorme, mais finie, la distance d'un objet céleste quelconque peut se mesurer en années-lumières. C'est à dire précisément en fonction de la distance parcourue par la lumière en un temps donné. Ce qui signifie que l'on voit des galaxies éloignées de deux milliards d'années-lumière telles qu'elles étaient il y a deux milliards d'années, et non telles qu'elles sont aujourd'hui. Ce qui signifie que pour savoir à quoi ressemblait l'univers il y a deux milliards d'années, il suffit d'examiner les objets situés à deux milliards d'années-lumière. Ce qu'on tout simplement fait les scientifiques à l'origine de la mesure dont parlait l'article. Et accessoirement, c'est tout l'enjeu des explorations en champ profond de Hubble, qui nous permettent de voir des objets situés à plus de dix milliards d'années-lumière. Et l'intérêt, alors, ce n'est pas que ces objets soit très éloignés, mais qu'ils se présentent à nous dans l'état où ils étaient il y a très longtemps.

Autre post qui m'a fait grincer des dents : "mais bien sur ... des milliards d'années d'univers résumés par une poignée de .. laborotin... quelle rigolade!" (orthographe et typo d'origine). Alors autant, dans le post précédent, la connerie venait de l'ignorance et est éventuellement pardonnable. Bon, ce niveau d'ignorance, c'est quand même celui de cette brave dame que j'avais eu à soigner jadis, quand je bossais dans le médical, et qui ignorait qu'on ne met pas les doigts dans une tondeuse à gazon qui vient de se coincer sur un bout de bois sans préalablement l'éteindre (maintenant elle sait, mais elle n'est plus concernée). Mais là, dans la rigolade de ce cuistre, dont je devine qu'il doit faire un métier élevé, passionnant et enrichissant lui permettant de prendre de haut les scientifiques, je devine ce mépris de l'intelligence et des questionnements fondamentaux qui a de plus en plus cours aujourd'hui, et qu'on retrouve aussi bien chez les barbus les plus arriérés des hauteurs de Ninive que chez les encravatés ultralibéraux de Neuilly et faubourgs pour qui, si ce n'est pas monétisable, alors c'est haram. Le terme technique, pour désigner ce genre d'individu, est "connard", je crois.

Et si le posteur qui rigole relève probablement de la seconde catégorie, celui dont la contribution au débat se montait exactement à "Si l'univers a un débiut et une fin, c'est bien qu'une intelligence supérieure l'a créé..." est probablement assimilable à la première, peut-être dans sa version bénitier über alles. Ceux-là, ils grouillent sur le net. Ils sont peu nombreux, mais ils multipostent comme des gorets dans tous les sujets de société et de science pour balancer ce genre de one-liner. Pas une découverte de dent de néanderthal ou de déterminisme génétique qui ne soit vertement admonestée par une charge créationniste ou une vaticination aigrie sur la théorie du genre.

Faut vraiment que j'arrête de lire les commentaires dans la presse. Vraiment. Faut plus repiquer au truc, ça fait trop de mal. Pour un peu, ça donnerait presque envie que le processus de dégradation thermique soit encore plus rapide que ça.





* Pas la place de vous expliquer le concept ici si vous ne le connaissez pas, mais en deux lignes, c'est lié à l'entropie et à l'aplanissement des différences de potentiel qui font que l'univers, à l'instar d'un lapin mécanique qui n'a pas été doté de piles Duracell, finit par s'arrêter quand les batteries sont mortes.

** Et ne venez pas me casser les roubignoles avec des histoires de souris sans fil, je déteste ces machins dont la pile lâche toujours au plus mauvais moment.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le dessus des cartes

 Un exercice que je pratique à l'occasion, en cours de scénario, c'est la production aléatoire. Il s'agit d'un outil visant à développer l'imagination des élèves, à exorciser le spectre de la page blanche, en somme à leur montrer que pour trouver un sujet d'histoire, il faut faire feu de tout bois. Ceux qui me suivent depuis longtemps savent que Les canaux du Mitan est né d'un rêve, qu'il m'a fallu quelques années pour exploiter. Trois Coracles , c'est venu d'une lecture chaotique conduisant au télescopage de deux paragraphes sans lien. Tout peut servir à se lancer. Outre les Storycubes dont on a déjà causé dans le coin, il m'arrive d'employer un jeu de tarot de Marseille. Si les Storycubes sont parfaits pour trouver une amorce de récit, le tarot permet de produite quelque chose de plus ambitieux : toute l'architecture d'une histoire, du début à la fin. Le tirage que j'emploie est un système à sept cartes. On prend dans

Le Messie de Dune saga l'autre

Hop, suite de l'article de l'autre jour sur Dune. Là encore, j'ai un petit peu remanié l'article original publié il y a trois ans. Je ne sais pas si vous avez vu l'argumentaire des "interquelles" (oui, c'est le terme qu'ils emploient) de Kevin J. En Personne, l'Attila de la littérature science-fictive. Il y a un proverbe qui parle de nains juchés sur les épaules de géants, mais l'expression implique que les nains voient plus loin, du coup, que les géants sur lesquels ils se juchent. Alors que Kevin J., non. Il monte sur les épaules d'un géant, mais ce n'est pas pour regarder plus loin, c'est pour regarder par terre. C'est triste, je trouve. Donc, voyons l'argumentaire de Paul le Prophète, l'histoire secrète entre Dune et le Messie de Dune. Et l'argumentaire pose cette question taraudante : dans Dune, Paul est un jeune et gentil idéaliste qui combat des méchants affreux. Dans Le Messie de Dune, il est d

Fais-le, ou ne le fais pas, mais il n'y a pas d'essai

 Retravailler un essai vieux de dix ans, c'est un exercice pas simple. Ça m'était déjà arrivé pour la réédition de Mythe & super-héros , et là c'est reparti pour un tour, sur un autre bouquin. Alors, ça fait toujours plaisir d'être réédité, mais ça implique aussi d'éplucher sa propre prose et avec le recul, ben... Bon, c'est l'occasion de juger des progrès qu'on a fait dans certains domaines. Bref, j'ai fait une repasse de réécriture de pas mal de passages. Ça, c'est pas si compliqué, c'est grosso modo ce que je fais une fois que j'ai bouclé un premier jet. J'ai aussi viré des trucs qui ne me semblaient plus aussi pertinents qu'à l'époque. Après, le sujet a pas mal évolué en dix ans. Solution simple : rajouter un chapitre correspondant à la période. En plus, elle se prête à pas mal d'analyses nouvelles. C'est toujours intéressant. La moitié du chapitre a été simple à écrire, l'autre a pris plus de temps parce q

Sortie de piste

 Deux sorties culturelles cette semaine. C'est vrai, quoi, je ne peux pas rester confiner non stop dans mon bunker à pisser du texte. La première, ça a été l'expo sur les chamanes au musée du Quai Branly, tout à fait passionnante, avec un camarade belge. Je recommande vivement. Les motifs inspiré des expériences psychédéliques Les boissons locales à base de lianes du cru Les tableaux chamaniques Truc intéressant, ça s'achève par une expérience en réalité virtuelle proposée par Jan Kounen, qui visiblement n'est jamais redescendu depuis son film sur Blueberry. C'est conçu comme un trip et c'en est un L'autre sortie, avec une bonne partie de la tribu Lavitch, c'était le Dune part 2 de Denis Villeneuve. Y a un lien entre les deux sorties, via les visions chamaniques, ce qu'on peut rapprocher de l'épice et de ce que cela fait à la psyché de Paul Muad'dib. Par ailleurs, ça confirme ce que je pensais suite à la part 1, Villeneuve fait des choix d&#

Archie

 Retour à des rêves architecturaux, ces derniers temps. Universités monstrueuses au modernisme écrasant (une réminiscence, peut-être, de ma visite de celle de Bielefeld, il y a très longtemps et qui a l'air d'avoir pas mal changé depuis, si j'en crois les photos que j'ai été consulter pour vérifier si ça correspondait, peut-être était-ce le temps gris de ce jour-là mais cela m'avait semblé bien plus étouffants que ça ne l'est), centres commerciaux tentaculaires, aux escalators démesurés, arrière-lieux labyrinthiques, que ce soient caves, couloirs de service, galeries parcourues de tuyauteries et de câblages qu'on diraient conçues par un Ron Cobb sous amphétamines. J'erre là-dedans, en cherchant Dieu seul sait quoi. Ça m'a l'air important sur le moment, mais cet objectif de quête se dissipe avant même mon réveil. J'y croise des gens que je connais en vrai, d'autres que je ne connais qu'en rêve et qui me semblent des synthèses chimériqu

Le silence des anneaux

 C'était un genre de malédiction : chaque fois que j'ai essayé de me mettre aux Anneaux de Pouvoir, j'ai eu une panne d'internet dans la foulée. Et comme je peux pas tout suivre non plus, et que sans m'avoir totalement déplu, les premiers épisodes ne m'avaient pas emporté, j'étais passé à autre chose. Finalement, j'ai complété la première saison. Je vous ai dit que j'étais toujours super en avance sur les série télé ? Genre j'ai fini The Expanse l'an passé seulement. Et donc, qu'est-ce que j'en pense ? On est un peu sur le même registre que Fondation . Des tas de concepts sont repris, d'autre sont pas forcément compris, et on triture la chronologie.   C'est compliqué par le fait que les droits ne couvrent que le Seigneur des Anneaux et ses appendices, une source forcément incomplète dès qu'on se penche sur les origines de ce monde. Le reste est zone interdite et les auteurs ont dû picorer dans des références parfois obsc

Nettoyage de printemps (bis)

 Une étagère de mon bureau était en train de s'effondrer sous le poids des bouquins. C'est un peu le destin de toutes les étagères à bouquin en agglo, surtout lorsque comme moi on pratique le double rayonnage et la pile branlante.     J'ai profité de deux facteurs, du coup : 1- Ma connexion internet était à nouveau en rade et je ne pouvais plus bosser. 2- Mon fiston avait besoin que je lui file un coup de main dans son appart et que je l'aide à acheter un peu de matériel à cet effet, dans une grande surface spécialisée au nom absurde puisqu'il associe la fonction d'Arthur au nom de son enchanteur, créant une fusion à la Dragon Ball dont Chrétien de Troyes n'aurait osé rêver. Bref, j'ai passé les deux jours suivant à virer des étagères déglinguées, à les remplacer par des trucs de meilleure qualité et d'un peu plus grande capacité (oui, c'était pensé) pour m'apercevoir de deux trucs : 1- Le modèle que j'ai acheté a changé de quelques centi

Bilan des opérations

On m'a encore dit l'autre jour, par deux personnes non concertées, que je bossais trop. Bon, le problème c'est que d'un côté il faut quand même bouffer, et que de l'autre j'essaie de panacher l'alimentaire et le créatif. Et puis bon, ça va, quoi. Et puis j'ai fait le bilan des quinze derniers jours... La semaine dernière : - J'ai écrit la plus large part d'un roman (dont j'avais écrit le plan dans le TGV du retour d'Angoulème) - Fini une traduction (en retard) - Fini de remettre en forme, de compléter et de partiellement traduire les textes d'un atelier d'écriture - Donné deux cours Cette semaine : - J'ai fini le roman commencé le lundi précédent - Commencé à le négocier avec deux éditeurs (et bientôt un troisième) - Commencé un autre ( Mitan n°3) - Fini les corrections éditoriales d'un précédent ( Le Garçon avait grandi en un gast pays , sortie prévue en mai) - Animé une table ronde - Traduit 110 pages de comics - Écrit

Nettoyage de printemps

 Il y a plein de moyens de buter sur un obstacle lorsqu'on écrit. Parfois, on ne sait pas comment continuer, on a l'impression de s'être foutu dans une impasse. C'est à cause de problèmes du genre qu'il m'arrive d'écrire dans le désordre : si je cale à un endroit, je reprends le récit plus tard, sur un événement dont je sais qu'il doit arriver, ce qui me permet de solidifier la suite, puis de revenir en arrière et de corriger les passages problématiques jusqu'à créer le pont manquant.  D'autres tiennent à des mauvais choix antérieurs. Là, il faut aussi repartir en arrière, virer ce qui cloche, replâtrer puis repartir de l'avant. Souvent, ça ne tient qu'à quelques paragraphes. Il s'agit de supprimer l'élément litigieux et de trouver par quoi le remplacer qui ne représente pas une contrainte pour le reste du récit. Pas praticable tout le temps, ceci dit : j'en parlais dernièrement, mais dès lors qu'on est dans le cadre d'

Jack Kirby, ses vilains et l'équation d'anti-vie

Pour mémoire, voici le replay du live twitch d'il y a quinze jours à propos de Jack Kirby, de Darkseid et de plein de trucs !