Accéder au contenu principal

Le chant nuptial du crapaud bigame, c'est : "j'ai deux anoures" ?

L'été, j'en profite quand même un peu pour bouquiner. En juillet, je me suis enfilé les 1400 pages du Vicomte de Bragelonne, conclusion de la trilogie des Mousquetaires d'Alexandre Dumas. S'il y a des longueurs (ah, les amours contrariées de Louis XIV et de Madame de La Vallière, c'est mignon, mais long...), il y a aussi de vrais morceaux de bravoure, et une vraie noirceur dans le traitement des personnages, notamment Aramis, manipulateur et retors. Et puis la mort de Porthos, ça secoue bien. Wow. Bref, une sortie en fanfare pour le père Dumas. C'était un cadeau de fête des pères, ce gros volume, et encore merci à celle de mes filles qui me l'a offert.

Du coup, j'ai enchaîné sur un Capitaine Alatriste que je n'avais pas encore lu, pour rester dans l'esprit capes et épées. C'est toujours bien, Alatriste. Magnifiquement écrit, très documenté, et mordant, avec un mauvais esprit qui fait plaisir.

Puis j'ai changé de style avec L'interrogatoire, un Volkoff qu'on m'avait bien souvent recommandé, et j'ai compris pourquoi en lisant. C'est d'une grande noirceur, mais c'est assez brillant. Les gens qui me l'avaient conseillé me connaissent bien, c'est clair que ça ne pouvait que me plaire. Pour ceux qui ne connaissent pas, c'est l'enquête livrée sur une tuerie en Ukraine, menée par un interrogateur de l'US Army lors des procès de dénazification, entre 1945 et 1947.

Et sinon j'ai un peu picoré dans Hunter Thompson et Bukowski (que j'attaque en VO, cette année, je viens de récupérer une édition anglaise de Post Office) (Thompson, ça fait longtemps que je ne le lis plus qu'en VO, non que ses traducteurs déméritent, mais il a un phrasé tellement particulier que ça en devient quasi intraduisible) (du coup, j'ai un peu peur que ça me fasse pareil avec Buko, que la lecture de la VO me le rende intolérable en VF, par la suite).

En fiction (d'accord, Thompson et Buko, c'est pas exactement de la fiction, mais bon, foutez-moi tranquille, d'abord), c'est à peu près tout ce que j'ai lu cet été. J'ai fait une pause sur la SF, j'en ai consommé des wagons pendant mes recherches pour la rédaction de Cosmonautes ! (ça sort le 4 septembre, normalement), y avait un peu saturation.

Par contre, je continue à éplucher des biographies historiques pour des scénarios à venir, dont je vous reparlerai un peu plus tard, de la doc pour un projet sur la mythologie (sur lequel je prends d'ailleurs du retard), et puis la geste de Cuchulain juste pour le plaisir, parce que c'est un héros bien badass.

Et puis j'ai relu plein de comics. Beaucoup de Batman, d'ailleurs. Sans doute pour rester dans le jus, vu que je travaille sur la traduction de No Man's Land, en ce moment, et que j'ai eu envie de me relire tout ce qui suivait : New Gotham, Officer's Down, Bruce Wayne Murderer, Bruce Wayne Fugitive, et puis les aventures de la Batgirl de l'époque, la petite Cassandra Caïn. C'était vraiment pas mal, cette incarnation de Batgirl, malgré un démarrage grevé par de gros problèmes de narration (à la décharge du scénariste, le concept du personnage ne permettait que peu de dialogue, et pas du tout de voix intérieure, ça complique souvent les choses, et il va vite modifier le concept initial du personnage pour régler le problème). Tout n'a pas été compilé (tout comme pour les Birds of Prey de cette époque), et c'est bien dommage. C'est une série qui mérite la relecture.

En Batmaneries, j'ai aussi relu quelques petites choses écrites par Jim Starlin. Si j'aime beaucoup ce que fait Starlin en général, je suis un peu moins fan quand il est sur Batman. Le personnage ne permet pas vraiment de basculer dans la dinguerie cosmique, qui est le genre de prédilection de Starlin, celui où il excelle, avec des anges déchus et des titans fous qui se bastonnent à coup de pouvoirs démesurés qui ravagent des planètes. Sur Batman, forcément, c'est plus soft. Et parfois un peu plus daté : dans Ten Nights of the Beast, Batman sauve la vie du président Reagan, et déjoue un complot visant à détruire son programme Guerre des Etoiles (certains dialogues montrent d'ailleurs que Starlin est loin d'être dupe du programme en question, ultime boursoufflure technologique de la Guerre Froide). Dans The Cult, Batman est confronté au leader charismatique d'une secte qui parvient à le briser psychologiquement. Comme l'a fort justement rappelé l'ami Jim Lainé dans un article récent, Pas mal d'éléments de la trilogie filmique de Nolan sortent de The Cult. Mais ce récit est lui-même inscrit dans la continuité du Dark Knight de Miller (Batman plus dur, narration par écrans télévisés). C'est quand même amusant de constater que le traitement "moderne" du personnage au cinéma est complètement recyclé de ce qui se faisait dans les comics des années 80.

J'ai lu aussi les deux premiers Witch Doctor sortis chez Delcourt. Et je suis très fan. Tenter d'expliquer scientifiquement les caractéristique des monstres du répertoire (vampires, loups garous, etc.) est un cliché, mais le faire aussi sérieusement sur le fond, tout en adoptant ton aussi décalé sur la forme, ça rend le trucs complètement foutraque. Pour situer, Witch Doctor, c'est un peu comme si le personnage joué par Bill Murray dans les Ghostbusters était remplacé par le petit frère de Gregory House. Bref, c'est indispensable.

"Non, mais faut vraiment être une truffe pour avoir peur du Grand Cthulhu.
Trois comprimés de Zantolac™ par jour, et il fait tout de suite moins le fier."
"Mais faut quand même arriver à les lui administrer, alors je sais pas…"
"Tu sais c'est quoi ton problème, Wilson ? Tu chipotes toujours sur des détails à la con."

Voilà voilà, je me disais que c'était le moment de faire un petit point sur mes lectures de vacances, au cas où ça vous intéresse. Et même si ça ne vous intéresse pas, d'ailleurs. Je fais ce que je veux, d'abord.

Commentaires

Anonyme a dit…
L'interrogatoire, je te l'avais conseillé en 2005 !
Krka
Alex Nikolavitch a dit…
il me semblait bien que c'était toi, oui. et le destin a voulu que je tombe sur un exemplaire en rangeant un placard chez mes beaux parents, placard dans lequel les enfants avaient mis un sacré foutoir. pourquoi ce bouquin traînait là-bas, mystère...

Posts les plus consultés de ce blog

Le Messie de Dune saga l'autre

Hop, suite de l'article de l'autre jour sur Dune. Là encore, j'ai un petit peu remanié l'article original publié il y a trois ans. Je ne sais pas si vous avez vu l'argumentaire des "interquelles" (oui, c'est le terme qu'ils emploient) de Kevin J. En Personne, l'Attila de la littérature science-fictive. Il y a un proverbe qui parle de nains juchés sur les épaules de géants, mais l'expression implique que les nains voient plus loin, du coup, que les géants sur lesquels ils se juchent. Alors que Kevin J., non. Il monte sur les épaules d'un géant, mais ce n'est pas pour regarder plus loin, c'est pour regarder par terre. C'est triste, je trouve. Donc, voyons l'argumentaire de Paul le Prophète, l'histoire secrète entre Dune et le Messie de Dune. Et l'argumentaire pose cette question taraudante : dans Dune, Paul est un jeune et gentil idéaliste qui combat des méchants affreux. Dans Le Messie de Dune, il est d

Le dessus des cartes

 Un exercice que je pratique à l'occasion, en cours de scénario, c'est la production aléatoire. Il s'agit d'un outil visant à développer l'imagination des élèves, à exorciser le spectre de la page blanche, en somme à leur montrer que pour trouver un sujet d'histoire, il faut faire feu de tout bois. Ceux qui me suivent depuis longtemps savent que Les canaux du Mitan est né d'un rêve, qu'il m'a fallu quelques années pour exploiter. Trois Coracles , c'est venu d'une lecture chaotique conduisant au télescopage de deux paragraphes sans lien. Tout peut servir à se lancer. Outre les Storycubes dont on a déjà causé dans le coin, il m'arrive d'employer un jeu de tarot de Marseille. Si les Storycubes sont parfaits pour trouver une amorce de récit, le tarot permet de produite quelque chose de plus ambitieux : toute l'architecture d'une histoire, du début à la fin. Le tirage que j'emploie est un système à sept cartes. On prend dans

Fais-le, ou ne le fais pas, mais il n'y a pas d'essai

 Retravailler un essai vieux de dix ans, c'est un exercice pas simple. Ça m'était déjà arrivé pour la réédition de Mythe & super-héros , et là c'est reparti pour un tour, sur un autre bouquin. Alors, ça fait toujours plaisir d'être réédité, mais ça implique aussi d'éplucher sa propre prose et avec le recul, ben... Bon, c'est l'occasion de juger des progrès qu'on a fait dans certains domaines. Bref, j'ai fait une repasse de réécriture de pas mal de passages. Ça, c'est pas si compliqué, c'est grosso modo ce que je fais une fois que j'ai bouclé un premier jet. J'ai aussi viré des trucs qui ne me semblaient plus aussi pertinents qu'à l'époque. Après, le sujet a pas mal évolué en dix ans. Solution simple : rajouter un chapitre correspondant à la période. En plus, elle se prête à pas mal d'analyses nouvelles. C'est toujours intéressant. La moitié du chapitre a été simple à écrire, l'autre a pris plus de temps parce q

Hail to the Tao Te King, baby !

Dernièrement, dans l'article sur les Super Saiyan Irlandais , j'avais évoqué au passage, parmi les sources mythiques de Dragon Ball , le Voyage en Occident (ou Pérégrination vers l'Ouest ) (ou Pèlerinage au Couchant ) (ou Légende du Roi des Singes ) (faudrait qu'ils se mettent d'accord sur la traduction du titre de ce truc. C'est comme si le même personnage, chez nous, s'appelait Glouton, Serval ou Wolverine suivant les tra…) (…) (…Wait…). Ce titre, énigmatique (sauf quand il est remplacé par le plus banal «  Légende du Roi des Singes  »), est peut-être une référence à Lao Tseu. (vous savez, celui de Tintin et le Lotus Bleu , « alors je vais vous couper la tête », tout ça).    C'est à perdre la tête, quand on y pense. Car Lao Tseu, après une vie de méditation face à la folie du monde et des hommes, enfourcha un jour un buffle qui ne lui avait rien demandé et s'en fut vers l'Ouest, et on ne l'a plus jamais revu. En chemin,

Le silence des anneaux

 C'était un genre de malédiction : chaque fois que j'ai essayé de me mettre aux Anneaux de Pouvoir, j'ai eu une panne d'internet dans la foulée. Et comme je peux pas tout suivre non plus, et que sans m'avoir totalement déplu, les premiers épisodes ne m'avaient pas emporté, j'étais passé à autre chose. Finalement, j'ai complété la première saison. Je vous ai dit que j'étais toujours super en avance sur les série télé ? Genre j'ai fini The Expanse l'an passé seulement. Et donc, qu'est-ce que j'en pense ? On est un peu sur le même registre que Fondation . Des tas de concepts sont repris, d'autre sont pas forcément compris, et on triture la chronologie.   C'est compliqué par le fait que les droits ne couvrent que le Seigneur des Anneaux et ses appendices, une source forcément incomplète dès qu'on se penche sur les origines de ce monde. Le reste est zone interdite et les auteurs ont dû picorer dans des références parfois obsc

Nettoyage de printemps

 Il y a plein de moyens de buter sur un obstacle lorsqu'on écrit. Parfois, on ne sait pas comment continuer, on a l'impression de s'être foutu dans une impasse. C'est à cause de problèmes du genre qu'il m'arrive d'écrire dans le désordre : si je cale à un endroit, je reprends le récit plus tard, sur un événement dont je sais qu'il doit arriver, ce qui me permet de solidifier la suite, puis de revenir en arrière et de corriger les passages problématiques jusqu'à créer le pont manquant.  D'autres tiennent à des mauvais choix antérieurs. Là, il faut aussi repartir en arrière, virer ce qui cloche, replâtrer puis repartir de l'avant. Souvent, ça ne tient qu'à quelques paragraphes. Il s'agit de supprimer l'élément litigieux et de trouver par quoi le remplacer qui ne représente pas une contrainte pour le reste du récit. Pas praticable tout le temps, ceci dit : j'en parlais dernièrement, mais dès lors qu'on est dans le cadre d'

Sortie de piste

 Deux sorties culturelles cette semaine. C'est vrai, quoi, je ne peux pas rester confiner non stop dans mon bunker à pisser du texte. La première, ça a été l'expo sur les chamanes au musée du Quai Branly, tout à fait passionnante, avec un camarade belge. Je recommande vivement. Les motifs inspiré des expériences psychédéliques Les boissons locales à base de lianes du cru Les tableaux chamaniques Truc intéressant, ça s'achève par une expérience en réalité virtuelle proposée par Jan Kounen, qui visiblement n'est jamais redescendu depuis son film sur Blueberry. C'est conçu comme un trip et c'en est un L'autre sortie, avec une bonne partie de la tribu Lavitch, c'était le Dune part 2 de Denis Villeneuve. Y a un lien entre les deux sorties, via les visions chamaniques, ce qu'on peut rapprocher de l'épice et de ce que cela fait à la psyché de Paul Muad'dib. Par ailleurs, ça confirme ce que je pensais suite à la part 1, Villeneuve fait des choix d&#

Archie

 Retour à des rêves architecturaux, ces derniers temps. Universités monstrueuses au modernisme écrasant (une réminiscence, peut-être, de ma visite de celle de Bielefeld, il y a très longtemps et qui a l'air d'avoir pas mal changé depuis, si j'en crois les photos que j'ai été consulter pour vérifier si ça correspondait, peut-être était-ce le temps gris de ce jour-là mais cela m'avait semblé bien plus étouffants que ça ne l'est), centres commerciaux tentaculaires, aux escalators démesurés, arrière-lieux labyrinthiques, que ce soient caves, couloirs de service, galeries parcourues de tuyauteries et de câblages qu'on diraient conçues par un Ron Cobb sous amphétamines. J'erre là-dedans, en cherchant Dieu seul sait quoi. Ça m'a l'air important sur le moment, mais cet objectif de quête se dissipe avant même mon réveil. J'y croise des gens que je connais en vrai, d'autres que je ne connais qu'en rêve et qui me semblent des synthèses chimériqu

Da Rohonczi Code

C'est sans doute assez idiot, mais je me passionne en ce moment pour l'iconographie du Codex Rohonczi. Moins connu que le Manuscrit Voynich, c'est un de ces bouquins dont le texte a longtemps résisté à toute lecture (dans les deux cas, on a proposé des traductions assez prosaïques, que les aficionados des secrets et mystères rejettent parce que comme souvent, la solution du mystère est inférieure au mystère lui-même) (c'est ce que j'appelle le "Principe de Felt", du nom du clampin médiocre entré dans l'histoire sous le nom de "Gorge Profonde"). C'est de ce truc là que je vais parler Bref, tel quel, le Codex découvert en Hongrie est probablement une Histoire Sainte écrite dans un dialecte archaïque du roumain, avec un alphabet qui n'en est pas un (150 caractères, quand même) et date du XVIe siècle (mais est peut-être une copie d'un ouvrage plus ancien). Pour le coup, sans les illustrations à base d'auréoles, d'ailes

Werner Heisenberg

" L'univers n'est pas seulement plus étrange que nous le pensons, il est aussi plus étrange que nous pouvons le penser. " (Werner Heisenberg, 1901-1976) Heisenberg, en faisant avancer la science, lui porta aussi un bien mauvais coup. En effet, il formula le célèbre principe d'incertitude (dit aussi principe d'indétermination) qui porte son nom, et qui consomma le divorce entre le sens commun et la science de haut niveau, jetant les bases de la physique quantique. Après Heisenberg, la physique devint relativement inaccessible même à la vulgarisation, brassant des concepts difficiles à exprimer sans un solide bagage mathématique, et dont la formulation verbale était obligée de passer par des métaphores hardies comme celle du Chat de Shö… Shü… Shreude… Schrödinger, putain, voilà, j'ai réussi à l'écrire, à la fois mort et pas mort, un état que l'on ne retrouve guère dans le monde à échelle humaine que chez les papes en fin de règne et les dictateurs so