Accéder au contenu principal

Making Of : Crusades

Tiens, en triant mes notes sur Crusades, je suis retombé sur la version 1 de l'entrevue avec le Pape.

Vu que c'est une des scènes qui a été le plus réécrite (4 fois avant envoi au dessinateur et au moins 2 fois après qu'il ait rendu les planches) je me disais que ça pourrait vous amuser d'en voir les trois premières pages, correspondant aux deux premières de la scène publiée (pages 42 et 43 de l'album, une des pages, s'intercalant entre ces deux-là, a fini par être supprimée au moment de l'ultime réécriture, le making of en fin de volume s'en faisait témoin).

Page 24 (la pagination, ici, fait référence à la position dans le chapitre, non dans le livre)
1-            Vue générale. Lyon, sur les bords du Rhône. Vue du palais épiscopal, celui du Primât des Gaules.
Texte :                        Lyon, quelques mois plus tard…
Bulle :                        Laissez-nous, je vous prie.
2-            Vue de la salle d'audience. Sur le trône, le Pape Innocent IV, entouré de cardinaux. Devant, à genoux, Guillaume de Sonnac, en uniforme de Templier. Derrière le trône, des colonnes et des rideaux.
Cardinal 1 :            Bien, votre Sainteté.
3-            Les cardinaux se retirent.
4-            Gros plan sur le Pape.
Pape :                        Prenez donc un siège, frère Guillaume.
5-            Sonnac prend une petite chaise curule et s'assoit au pied du trône.
Sonnac :            Merci, votre Sainteté.
Pape :                        Ainsi donc, vous êtes de retour d'Egypte…
6-            Le Pape se penche en avant, pour montrer son intérêt à Sonnac.
Pape :                        Vous y avez poursuivi l'enquête dont je vous chargeai il y a quelques temps de cela.
Sonnac :            C'est exact, votre Sainteté. Notre ennemi y est sorti de l'ombre.


Page 25
1-            Gros plan sur Sonnac.
Sonnac :            Les Assassins détiennent la Peste de Damiette et tentent d'en maîtriser le pouvoir.
2-            Gros plan sur le Pape, pensif.
Pape :                        Certes… Ce n'est pas forcément une surprise, hélas. S'ils réussissaient, notre position en Orient serait hautement compromise.
Sonnac :            Je le pense aussi, votre Sainteté.
3-            Le Pape se caresse le menton.
Pape :                        Vous n'êtes pas sans savoir, frère Guillaume, que notre position ici est tout aussi inconfortable.
4-            Sonnac hausse le sourcil.
Sonnac :            Vous n'avez pas réussi à vous entendre avec l'Empereur, ai-je cru comprendre… Cela ne me surprend point… En accédant au trône de Saint Pierre, vous avez des obligations envers la politique de vos aînés…
5-            Le Pape a un sourire assez dur.
Pape :                        C'est d'ailleurs la raison de mon exil ici. Il va falloir reprendre la main.
6-            Sonnac fait la moue.            Le Pape frappe du poing sur l'accoudoir de son trône.
Sonnac :            Oui, cela se peut concevoir. L'empereur a bien avancé ses pions en Italie…
Pape :                        L'empereur Frédéric ne démord pas de ses prétentions ! Nous devons frapper ! Et vite ! Et fort !

Page 26
1-            Le visage de Sonnac se fait dur.
Sonnac :            Je sais que vous préparez un Concile pour le déchoir de son titre… J'ignore si ce sera plus efficace que les excommunications déjà prononcées…
2-            Le Pape a un sourire mauvais.
Pape :                        Pas forcément. Mais il faut le symbole. Puis nous passerons à la seconde partie… Et là, nous faisons d'une pierre deux coups…
3-            Sonnac acquiesce.
Sonnac :            La croisade.
4-            Le Pape sourit.
Pape :                         Précisément. La croisade. Et elle doit faire pièce à celle que mena l'empereur pour son propre compte, il y a quinze ans… Quelle humiliation pour Rome… Un excommunié qui prenait Jérusalem…
5-            Sonnac sourit.
Sonnac :            Et cette Croisade nous permet du même coup de nous emparer du secret de la Peste, une arme qui mettra tous nos ennemis à genoux…
Pape :                        Pas exactement, Frère Guillaume.
6-            Le Pape lève la main, professoral. Sonnac le regarde, inquiet.
Pape :                        Cette croisade que nous préparons ne doit pas échouer comme celle qui s'arrêta si piteusement à Damiette il y a trente ans. Vous retournerez donc sur place pour anéantir nos adversaires.
Sonnac :            Mais… Ce n'est pas ce qui était convenu !
7-            Le Pape fait la moue.
Pape :                        Ce qui était convenu avec mon prédécesseur. Et nous avons réévalué la situation.

Vous noterez la sécheresse des indications scéniques. C'est vraiment un premier jet destiné à mettre en place le rythme de la scène, le descriptif et les éléments de documentation sont venus plus tard (souvent sous forme de photos et de gravures envoyées au dessinateur : il ne lit pas le Français, il a fallu viser l'efficacité dans les transmissions. Vous noterez que la scène est beaucoup plus dure dès le départ dans la version publiée, plus conflictuelle, avec certains renversements par rapport à cette version 1.0.

Commentaires

Odrade a dit…
C'est quoi une chaise curule ?


O.
Alex Nikolavitch a dit…
un genre de chaise pliante courante sous l'empire romain (le modèle curule était réservé à, si je me souviens bien, certains tribuns) dont le modèle s'est perpétué sous tout le moyen âge.
Odrade a dit…
Oh bon.
Je...
Ah je ne sais pas pourquoi, je suis un peu déçue.
C'est pas à la hauteur du mot.


O.

Posts les plus consultés de ce blog

Défense d'afficher

 J'ai jamais été tellement lecteur des Defenders de Marvel. Je ne sais pas trop pourquoi, d'ailleurs. J'aime bien une partie des personnages, au premier chef Hulk, dont je cause souvent ici, ou Doctor Strange, mais... mais ça s'est pas trouvé comme ça. On peut pas tout lire non plus. Et puis le concept, plus jeune, m'avait semblé assez fumeux. De fait, j'ai toujours plus apprécié les Fantastic Four ou les X-Men, la réunion des personnages ayant quelque chose de moins artificiel que des groupes fourre-tout comme les Avengers, la JLA ou surtout les Defenders.   Pourtant, divers potes lecteurs de comics m'avaient dit aimer le côté foutraque du titre, à sa grande époque.   Pourtant, ces derniers temps, je me suis aperçu que j'avais quelques trucs dans mes étagères, et puis j'ai pris un album plus récent, et je m'aperçois que tout ça se lit ou se relit sans déplaisir, que c'est quand même assez sympa et bourré d'idées.   Last Defenders , de J

Nettoyage de printemps

 Il y a plein de moyens de buter sur un obstacle lorsqu'on écrit. Parfois, on ne sait pas comment continuer, on a l'impression de s'être foutu dans une impasse. C'est à cause de problèmes du genre qu'il m'arrive d'écrire dans le désordre : si je cale à un endroit, je reprends le récit plus tard, sur un événement dont je sais qu'il doit arriver, ce qui me permet de solidifier la suite, puis de revenir en arrière et de corriger les passages problématiques jusqu'à créer le pont manquant.  D'autres tiennent à des mauvais choix antérieurs. Là, il faut aussi repartir en arrière, virer ce qui cloche, replâtrer puis repartir de l'avant. Souvent, ça ne tient qu'à quelques paragraphes. Il s'agit de supprimer l'élément litigieux et de trouver par quoi le remplacer qui ne représente pas une contrainte pour le reste du récit. Pas praticable tout le temps, ceci dit : j'en parlais dernièrement, mais dès lors qu'on est dans le cadre d'

Perceval sort du bois

 C'est fin mai que sortira Le garçon avait grandi en un gast pays , mon prochain roman aux Moutons électriques . Les plus attentifs d'entre vous, en voyant ce titre alittérant et à rallonge, se doutent qu'il fait suite à Trois coracles cinglaient vers le couchant et à L'ancelot avançait en armes . Le premier tome était sorti il y a cinq ans, quand même, ça ne nous rajeunit pas. Cette sortie ira de pair avec une réimpression des deux autres. L'ancelot bénéficiera d'une nouvelle couverture, toujours par l'excellent Melchior Ascaride, qui s'y entend à emballer mes bouquins comme ceux des collègues. Comme vous vous en doutez aussi, je termine avec Perceval, personnage fascinant (je lui avais déjà consacré un petit récit dans un pocket de chez Semic, y a plus de vingt ans) mais sans doute le plus difficile à manier de tout le bestiaire arthurien. Le résumé : Élevé à l’abri des tourments et d’un monde violent, le jeune Perceval tient pourtant à le découvr

Le Messie de Dune saga l'autre

Hop, suite de l'article de l'autre jour sur Dune. Là encore, j'ai un petit peu remanié l'article original publié il y a trois ans. Je ne sais pas si vous avez vu l'argumentaire des "interquelles" (oui, c'est le terme qu'ils emploient) de Kevin J. En Personne, l'Attila de la littérature science-fictive. Il y a un proverbe qui parle de nains juchés sur les épaules de géants, mais l'expression implique que les nains voient plus loin, du coup, que les géants sur lesquels ils se juchent. Alors que Kevin J., non. Il monte sur les épaules d'un géant, mais ce n'est pas pour regarder plus loin, c'est pour regarder par terre. C'est triste, je trouve. Donc, voyons l'argumentaire de Paul le Prophète, l'histoire secrète entre Dune et le Messie de Dune. Et l'argumentaire pose cette question taraudante : dans Dune, Paul est un jeune et gentil idéaliste qui combat des méchants affreux. Dans Le Messie de Dune, il est d

Pourri Road

Un peu hypé par le prequel à venir de Mad Max : Fury Road, consacré à la jeunesse de Furiosa. Après avoir fait de son héros un spectateur des choses, presque un spectre de choeur grec, Miller poursuit la déconstruction de Max au point de le faire carrément disparaître de sa propre saga. C'est gonflé, mais pas complètement surprenant de sa part, quand on y réfléchit. Mad Max, à l'époque des débuts de la série, c'était un avenir crédible. Une société en décomposition qui finit par imploser, et un retour à la barbarie, celui que nous prédisait Robert E. Howard il y a un poil moins d'un siècle. Max, c'est un peu un Conan post-moderne, ou un Solomon Kane qui aurait fini par baisser les bras et sombrer dans la désillusion. Les années 70 étaient passé par là, et la trilogie initiale consacrée à Max le fou est devenue un élément culturel fort des années 80, à l'influence importante. Les tensions qu'on devinait étaient appelées à se résoudre. Le Dôme du Tonnerre, pui

Sonja la rousse, Sonja belle et farouche, ta vie a le goût d'aventure

 Je m'avise que ça fait bien des lunes que je ne m'étais pas penché sur une adaptation de Robert E. Howard au cinoche. Peut-être est-ce à cause du décès de Frank Thorne, que j'évoquais dernièrement chez Jonah J. Monsieur Bruce , ou parce que j'ai lu ou relu pas mal d'histoires de Sonja, j'en causais par exemple en juillet dernier , ou bien parce que quelqu'un a évoqué la bande-son d'Ennio Morricone, mais j'ai enfin vu Red Sonja , le film, sorti sous nos latitudes sous le titre Kalidor, la légende du talisman .   On va parler de ça, aujourd'hui Sortant d'une période de rush en termes de boulot, réfléchissant depuis la sortie de ma vidéo sur le slip en fourrure de Conan à comment lui donner une suite consacrée au bikini en fer de Sonja, j'ai fini par redescendre dans les enfers cinématographiques des adaptations howardiennes. Celle-ci a un statut tout particulier, puisque Red Sonja n'est pas à proprement parler une création de Robert H

Serial writer

Parmi les râleries qui agitent parfois le petit (micro) milieu de l'imaginaire littéraire français, y a un truc dont je me suis pas mêlé, parce qu'une fois encore, je trouve le débat mal posé. Je suis capable d'être très casse-burette sur la manière de poser les débats. Mal poser un débat, c'est ravaler l'homme bien plus bas que la bête, au niveau d'un intervenant Céniouze. On n'en était certes pas là, et de loin, mais les esprits s'enflamment si vite, de nos jours.   Du coup, c'est ici que je vais développer mon point de vue. Déjà parce que c'est plus cosy, y a plus la place, déjà, que sur des posts de réseaux sociaux, je peux prendre le temps de peser le moindre bout de virgule, et puis peut-être aussi (c'est même la raison principale, en vrai) je suis d'une parfaite lâcheté et le potentiel de bagarre est moindre. Bref. Le sujet de fâcherie qui ressurgit avec régularité c'est (je synthétise, paraphrase et amalgame à donf) : "Po

Archie

 Retour à des rêves architecturaux, ces derniers temps. Universités monstrueuses au modernisme écrasant (une réminiscence, peut-être, de ma visite de celle de Bielefeld, il y a très longtemps et qui a l'air d'avoir pas mal changé depuis, si j'en crois les photos que j'ai été consulter pour vérifier si ça correspondait, peut-être était-ce le temps gris de ce jour-là mais cela m'avait semblé bien plus étouffants que ça ne l'est), centres commerciaux tentaculaires, aux escalators démesurés, arrière-lieux labyrinthiques, que ce soient caves, couloirs de service, galeries parcourues de tuyauteries et de câblages qu'on diraient conçues par un Ron Cobb sous amphétamines. J'erre là-dedans, en cherchant Dieu seul sait quoi. Ça m'a l'air important sur le moment, mais cet objectif de quête se dissipe avant même mon réveil. J'y croise des gens que je connais en vrai, d'autres que je ne connais qu'en rêve et qui me semblent des synthèses chimériqu

Nietzsche et les surhommes de papier

« Il y aura toujours des monstres. Mais je n'ai pas besoin d'en devenir un pour les combattre. » (Batman) Le premier des super-héros est, et reste, Superman. La coïncidence (intentionnelle ou non, c'est un autre débat) de nom en a fait dans l'esprit de beaucoup un avatar du Surhomme décrit par Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra . C'est devenu un lieu commun de faire de Superman l'incarnation de l' Übermensch , et c'est par là même un moyen facile de dénigrer le super-héros, de le renvoyer à une forme de l'imaginaire maladive et entachée par la mystique des Nazis, quand bien même Goebbels y voyait un Juif dont le S sur la poitrine signifiait le Dollar. Le super-héros devient, dans cette logique, un genre de fasciste en collants, un fantasme, une incarnation de la « volonté de puissance ».   Le surhomme comme héritier de l'Hercule de foire.   Ce n'est pas forcément toujours faux, mais c'est tout à fait réducteu

Le super-saiyan irlandais

Il y a déjà eu, je crois, des commentateurs pour rapprocher le début de la saga Dragonball d'un célèbre roman chinois, le Voyage en Occident (ou Pérégrination vers l'Ouest ) source principale de la légende du roi des singes (ou du singe de pierre) (faudrait que les traducteurs du chinois se mettent d'accord, un de ces quatre). D'ailleurs, le héros des premiers Dragonball , Son Goku, tire son nom du singe présent dans le roman (en Jap, bien sûr, sinon c'est Sun Wu Kong) (et là, y aurait un parallèle à faire avec le « Roi Kong », mais c'est pas le propos du jour), et Toriyama, l'auteur du manga, ne s'est jamais caché de la référence (qu'il avait peut-être été piocher chez Tezuka, auteur en son temps d'une Légende de Songoku ).    Le roi des singes, encore en toute innocence. Mais l'histoire est connue : rapidement, le côté initiatique des aventures du jeune Son Goku disparaît, après l'apparition du premier dr