Accéder au contenu principal

Univers pas rallèles

Je sais pas si vous passez souvent par le RER à Nation. Il y a une petite boutique, sur le quai, tenue par un Hindou. Il vend des sacs à main, des bijoux fantaisie, etc... Et la moitié du temps, il s'emmerde. Et donc il a accroché au mur une petite télé sur laquelle il se passe des DVD Bollywood, avec de préférence les sous-titres français googlés à partir des sous-titres anglais traduits vite fait de la version en Hindi. Inutile de dire que ces sous-titres valent le détour à eux seuls. Mais quand on attend son train, ces passages dansés et chantés qui sont au coeur du cinéma bollywoodien ont le mérite d'être distrayants (l'autre jour, c'était peut-être une version bollywood de Harry Potter, mais il y a une semaine de ça, il passait Koy mi Gaia*, le E.T. Bollywood qui est un chef d'oeuvre du genre et un moment de poilade grand style).

Les caractéristiques esthétiques du cinéma bollywoodien font qu'à l'instar du cinéma d'action turc, il ne s'est jamais réellement imposé chez nous. Mais peut-être qu'il aurait suffi d'un coup de pouce du destin, allez savoir.

Ce qui suit est la transcription d'un train de pensées lancées l'autre jour alors que je regardais un passage dansé au travers de la vitrine de ce brave homme. Plus tôt dans la journée, j'avais joué avec l'idée que si Sergio Leone avait poursuivi sa prometteuse carrière dans le peplum (si si, il a commencé dans le peplum avant de se mettre au western) la face du monde aurait pu en être changée. Les deux idées se sont télescopées (principe du "ça a fait chboum dans ma tête") et à l'arrivée, ça donne un univers parallèle vachement rigolo, que j'ai pris en notes, mais dont je ne pense pas arriver à faire quoi que ce soit. Et donc, je le balance au vent mauvais de ce blog, telles les feuilles mortes qui tournoient, ou ces mails que certains potes scénaristes m'envoient à trois heures du matin, quand ils ont trop longtemps tutoyé Jack et Daniel.

Bref, Sergio Leone, auréolé du Colosse de Rhodes et des Derniers Jours de Pompei, poursuit dans la lignée avec des oeuvres plus personnelles. Il lance donc la Trilogie des Sesterces (Pour une Poignée de Sesterces, Pour quelques Sesterces de Plus, Le Bon la Brute et le Gladiateur), avec Steve Reeves, dont ça relance la carrière (Clint Eastwood, un temps pressenti, est rejeté car trop longiligne pour le rôle, il ira donc se faire pendre ailleurs, avec des conséquences non négligeables). Le succès est immédiat, et immédiatement imité, mais va durablement enferrer le cinéma italien dans la fantaisie en toge, ce qui finira par réduire peu à peu son audience mondiale, même s'il est un temps imité à l'étranger (on se rappelle le célèbre Caligula de Sam Peckinpah, absolument monstrueux avec Gian Maria Volonte et Klaus Kinsky, qui sera interdit dans plus de dix pays rien qu'en Europe, et personne n'a oublié le démarquage habile que constituait le Conan de John Milius). Même la seconde trilogie de Leone, Il était une fois dans en Gaule, Il était une fois à Rome, Il était une fois l'Invasion Barbare, malgré ses immenses qualités et sa brochette d'acteurs (on se souvient de la superbe interprétation de James Coburn en esclave en fuite devenu malgré lui chef de horde goth) ne sauve pas le cinéma italien du naufrage.

Clint Eastwood, lui, a été attiré par les sirènes de certain sous-continent au Sud de l'Asie. Le voilà recruté pour une adaptation en trois volet du Ramayana au budget pharaonique. Le succès sera planétaire, dépassant contre toute attente les frontières habituelles d'un cinéma jusqu'alors vécu comme local. Suivront un Mahâbhârata qui fit date (dans lequel Clint donne la réplique à Toshiro Mifune), puis Clint passe à la réalisation avec un Siddhartha qui pulvérise les canons du genre et l'impose comme un grand du septième art. Le cinéma indien devient dès lors un rouleau compresseur que rien ne peut arrêter. Tout ce qui danse se rue en Inde (John Travolta, Christopher Walken et Patrick Swayze y feront de magnifiques carrières). Stanley Kubrick finit lui-même par s'y mettre et filme un terrifiant Shākyamuni, dans lequel un jeune prince visionnaire se retrouve enfermé, seul avec ses parents, dans leur palais isolé par une inondation, alors que la folie guette le roi son père (Kubrick ne se déplacera néanmoins pas jusqu'en Inde, le film étant tourné en décors naturels à Soho).

Par la suite, l'Inde continuera à attirer des réalisateurs venus du monde entier comme Roland Emmerich, Paul Verhoeven ou Takeshi Kitano.

Voilà. C'est l'univers parallèle que j'ai créé cette semaine, en prenant les transports en commun.

Faut vraiment que j'arrête le café.





*orthographe du titre non contractuelle

Commentaires

JayWicky a dit…
Pas mal. Dans la vraie vie, sans Sergio Leone, Clint aurait peut-être fini par cachetonner dans le rôle de Two-Face dans la série Batman avec Adam West (anecdote authentique qui fout le vertige). Mais pas mal quand même.
artemus dada a dit…
Sache, ami des steppes tartares qu'un homme qui cite Steve Reeves ne peut être totalevent mauvais.

D'autre part, permet-moi de te dire qu'il est toujours fascinant d'être arrêté au passage à niveau et de voir débouler ton train de pensées, fusse au son du sitar.

Ami du soir, bonsoir!
Alex Nikolavitch a dit…
Clint en Two Face ? Sachant que des gens ont pensé à lui pour le Dark Knight et pour Wolverine, par la suite...

hum.

*frout frout* (bruit du Niko qui se caresse la barbe, pensif)
artemus dada a dit…
En me levant ce matin j'ai repensé à cet univers pas rallèle en me disant qu'à la place de Clint explosant à Bollywwod, j'aurais préféré - et de loin - y voir Sean Flynn.

Clint lui serait devenu animateur radio.
Alex Nikolavitch a dit…
Mauvaise idée : il aurait été enlevé et abattu par les Tigres Tamouls.
JayWicky a dit…
Des Tigres Tamouls qui, en plus, auraient eu envie de faire l'amour avec lui.
Alex Nikolavitch a dit…
à Clint ? "là, tu m'intéresses, mon mignon."*

ou au fiston Flynn ?






*à dire avec la voix de Donald Sutherland

Posts les plus consultés de ce blog

Défense d'afficher

 J'ai jamais été tellement lecteur des Defenders de Marvel. Je ne sais pas trop pourquoi, d'ailleurs. J'aime bien une partie des personnages, au premier chef Hulk, dont je cause souvent ici, ou Doctor Strange, mais... mais ça s'est pas trouvé comme ça. On peut pas tout lire non plus. Et puis le concept, plus jeune, m'avait semblé assez fumeux. De fait, j'ai toujours plus apprécié les Fantastic Four ou les X-Men, la réunion des personnages ayant quelque chose de moins artificiel que des groupes fourre-tout comme les Avengers, la JLA ou surtout les Defenders.   Pourtant, divers potes lecteurs de comics m'avaient dit aimer le côté foutraque du titre, à sa grande époque.   Pourtant, ces derniers temps, je me suis aperçu que j'avais quelques trucs dans mes étagères, et puis j'ai pris un album plus récent, et je m'aperçois que tout ça se lit ou se relit sans déplaisir, que c'est quand même assez sympa et bourré d'idées.   Last Defenders , de J

Nettoyage de printemps

 Il y a plein de moyens de buter sur un obstacle lorsqu'on écrit. Parfois, on ne sait pas comment continuer, on a l'impression de s'être foutu dans une impasse. C'est à cause de problèmes du genre qu'il m'arrive d'écrire dans le désordre : si je cale à un endroit, je reprends le récit plus tard, sur un événement dont je sais qu'il doit arriver, ce qui me permet de solidifier la suite, puis de revenir en arrière et de corriger les passages problématiques jusqu'à créer le pont manquant.  D'autres tiennent à des mauvais choix antérieurs. Là, il faut aussi repartir en arrière, virer ce qui cloche, replâtrer puis repartir de l'avant. Souvent, ça ne tient qu'à quelques paragraphes. Il s'agit de supprimer l'élément litigieux et de trouver par quoi le remplacer qui ne représente pas une contrainte pour le reste du récit. Pas praticable tout le temps, ceci dit : j'en parlais dernièrement, mais dès lors qu'on est dans le cadre d'

Perceval sort du bois

 C'est fin mai que sortira Le garçon avait grandi en un gast pays , mon prochain roman aux Moutons électriques . Les plus attentifs d'entre vous, en voyant ce titre alittérant et à rallonge, se doutent qu'il fait suite à Trois coracles cinglaient vers le couchant et à L'ancelot avançait en armes . Le premier tome était sorti il y a cinq ans, quand même, ça ne nous rajeunit pas. Cette sortie ira de pair avec une réimpression des deux autres. L'ancelot bénéficiera d'une nouvelle couverture, toujours par l'excellent Melchior Ascaride, qui s'y entend à emballer mes bouquins comme ceux des collègues. Comme vous vous en doutez aussi, je termine avec Perceval, personnage fascinant (je lui avais déjà consacré un petit récit dans un pocket de chez Semic, y a plus de vingt ans) mais sans doute le plus difficile à manier de tout le bestiaire arthurien. Le résumé : Élevé à l’abri des tourments et d’un monde violent, le jeune Perceval tient pourtant à le découvr

Le Messie de Dune saga l'autre

Hop, suite de l'article de l'autre jour sur Dune. Là encore, j'ai un petit peu remanié l'article original publié il y a trois ans. Je ne sais pas si vous avez vu l'argumentaire des "interquelles" (oui, c'est le terme qu'ils emploient) de Kevin J. En Personne, l'Attila de la littérature science-fictive. Il y a un proverbe qui parle de nains juchés sur les épaules de géants, mais l'expression implique que les nains voient plus loin, du coup, que les géants sur lesquels ils se juchent. Alors que Kevin J., non. Il monte sur les épaules d'un géant, mais ce n'est pas pour regarder plus loin, c'est pour regarder par terre. C'est triste, je trouve. Donc, voyons l'argumentaire de Paul le Prophète, l'histoire secrète entre Dune et le Messie de Dune. Et l'argumentaire pose cette question taraudante : dans Dune, Paul est un jeune et gentil idéaliste qui combat des méchants affreux. Dans Le Messie de Dune, il est d

Pourri Road

Un peu hypé par le prequel à venir de Mad Max : Fury Road, consacré à la jeunesse de Furiosa. Après avoir fait de son héros un spectateur des choses, presque un spectre de choeur grec, Miller poursuit la déconstruction de Max au point de le faire carrément disparaître de sa propre saga. C'est gonflé, mais pas complètement surprenant de sa part, quand on y réfléchit. Mad Max, à l'époque des débuts de la série, c'était un avenir crédible. Une société en décomposition qui finit par imploser, et un retour à la barbarie, celui que nous prédisait Robert E. Howard il y a un poil moins d'un siècle. Max, c'est un peu un Conan post-moderne, ou un Solomon Kane qui aurait fini par baisser les bras et sombrer dans la désillusion. Les années 70 étaient passé par là, et la trilogie initiale consacrée à Max le fou est devenue un élément culturel fort des années 80, à l'influence importante. Les tensions qu'on devinait étaient appelées à se résoudre. Le Dôme du Tonnerre, pui

Sonja la rousse, Sonja belle et farouche, ta vie a le goût d'aventure

 Je m'avise que ça fait bien des lunes que je ne m'étais pas penché sur une adaptation de Robert E. Howard au cinoche. Peut-être est-ce à cause du décès de Frank Thorne, que j'évoquais dernièrement chez Jonah J. Monsieur Bruce , ou parce que j'ai lu ou relu pas mal d'histoires de Sonja, j'en causais par exemple en juillet dernier , ou bien parce que quelqu'un a évoqué la bande-son d'Ennio Morricone, mais j'ai enfin vu Red Sonja , le film, sorti sous nos latitudes sous le titre Kalidor, la légende du talisman .   On va parler de ça, aujourd'hui Sortant d'une période de rush en termes de boulot, réfléchissant depuis la sortie de ma vidéo sur le slip en fourrure de Conan à comment lui donner une suite consacrée au bikini en fer de Sonja, j'ai fini par redescendre dans les enfers cinématographiques des adaptations howardiennes. Celle-ci a un statut tout particulier, puisque Red Sonja n'est pas à proprement parler une création de Robert H

Serial writer

Parmi les râleries qui agitent parfois le petit (micro) milieu de l'imaginaire littéraire français, y a un truc dont je me suis pas mêlé, parce qu'une fois encore, je trouve le débat mal posé. Je suis capable d'être très casse-burette sur la manière de poser les débats. Mal poser un débat, c'est ravaler l'homme bien plus bas que la bête, au niveau d'un intervenant Céniouze. On n'en était certes pas là, et de loin, mais les esprits s'enflamment si vite, de nos jours.   Du coup, c'est ici que je vais développer mon point de vue. Déjà parce que c'est plus cosy, y a plus la place, déjà, que sur des posts de réseaux sociaux, je peux prendre le temps de peser le moindre bout de virgule, et puis peut-être aussi (c'est même la raison principale, en vrai) je suis d'une parfaite lâcheté et le potentiel de bagarre est moindre. Bref. Le sujet de fâcherie qui ressurgit avec régularité c'est (je synthétise, paraphrase et amalgame à donf) : "Po

Archie

 Retour à des rêves architecturaux, ces derniers temps. Universités monstrueuses au modernisme écrasant (une réminiscence, peut-être, de ma visite de celle de Bielefeld, il y a très longtemps et qui a l'air d'avoir pas mal changé depuis, si j'en crois les photos que j'ai été consulter pour vérifier si ça correspondait, peut-être était-ce le temps gris de ce jour-là mais cela m'avait semblé bien plus étouffants que ça ne l'est), centres commerciaux tentaculaires, aux escalators démesurés, arrière-lieux labyrinthiques, que ce soient caves, couloirs de service, galeries parcourues de tuyauteries et de câblages qu'on diraient conçues par un Ron Cobb sous amphétamines. J'erre là-dedans, en cherchant Dieu seul sait quoi. Ça m'a l'air important sur le moment, mais cet objectif de quête se dissipe avant même mon réveil. J'y croise des gens que je connais en vrai, d'autres que je ne connais qu'en rêve et qui me semblent des synthèses chimériqu

Nietzsche et les surhommes de papier

« Il y aura toujours des monstres. Mais je n'ai pas besoin d'en devenir un pour les combattre. » (Batman) Le premier des super-héros est, et reste, Superman. La coïncidence (intentionnelle ou non, c'est un autre débat) de nom en a fait dans l'esprit de beaucoup un avatar du Surhomme décrit par Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra . C'est devenu un lieu commun de faire de Superman l'incarnation de l' Übermensch , et c'est par là même un moyen facile de dénigrer le super-héros, de le renvoyer à une forme de l'imaginaire maladive et entachée par la mystique des Nazis, quand bien même Goebbels y voyait un Juif dont le S sur la poitrine signifiait le Dollar. Le super-héros devient, dans cette logique, un genre de fasciste en collants, un fantasme, une incarnation de la « volonté de puissance ».   Le surhomme comme héritier de l'Hercule de foire.   Ce n'est pas forcément toujours faux, mais c'est tout à fait réducteu

Le super-saiyan irlandais

Il y a déjà eu, je crois, des commentateurs pour rapprocher le début de la saga Dragonball d'un célèbre roman chinois, le Voyage en Occident (ou Pérégrination vers l'Ouest ) source principale de la légende du roi des singes (ou du singe de pierre) (faudrait que les traducteurs du chinois se mettent d'accord, un de ces quatre). D'ailleurs, le héros des premiers Dragonball , Son Goku, tire son nom du singe présent dans le roman (en Jap, bien sûr, sinon c'est Sun Wu Kong) (et là, y aurait un parallèle à faire avec le « Roi Kong », mais c'est pas le propos du jour), et Toriyama, l'auteur du manga, ne s'est jamais caché de la référence (qu'il avait peut-être été piocher chez Tezuka, auteur en son temps d'une Légende de Songoku ).    Le roi des singes, encore en toute innocence. Mais l'histoire est connue : rapidement, le côté initiatique des aventures du jeune Son Goku disparaît, après l'apparition du premier dr