Accéder au contenu principal

Capitaine Richard Francis Burton



 "Enfin ! Une fois de plus, mes destinées me font échapper à la prison de l'Europe civilisée." (Richard F. Burton, 1821-1890) Il est essentiel de ne pas confondre Richard Burton, le capitaine, et Richard Burton, l'acteur. Le premier étant, paraît-il, l'arrière grand-oncle du second. Soldat efficace, espion polyglotte, explorateur de l'extrême et traducteur en roue libre, l'homme pourrait être un personnage de roman (et il l'a d'ailleurs été, sous la plume de Philip José Farmer). Ce découvreur des sources du Nil, premier occidental à pénétrer dans la Kaaba à La Mecque (il s'était déguisé en derviche afghan, et s'était circoncis lui-même pour l'occasion, histoire de passer inaperçu, parce qu'il courait le risque de se faire couper d'autres morceaux par les gardiens des Lieux Saints), ce traducteur d'une version notoirement licencieuse des Mille et Une Nuits était un homme hors du commun, et du coup bien moins considéré en Angleterre que des explorateurs plus présentables comme le Docteur Livingstone. Mais Burton ne serait sans doute jamais devenu explorateur en Afrique sans une sombre affaire ayant eu lieu au Sind, dans l'actuel Pakistan. À l'époque, Richard Burton (pas l'acteur) était sous les ordres de Charles Napier (pas l'acteur) et faisait régulièrement équipe avec Walter Scott (pas l'écrivain, le neveu de l'écrivain). Burton avait créé un personnage de négociant persan, Mirza Abdullah, qui avait sans mal infiltré la bonne société de Karachi. Il faut dire que notre héros avec un don pour les langues et le déguisement qui lui permettait de se faire facilement passer pour n'importe quoi. Vint, en 1845, le moment où Napier l'interrogea sur ces bordels de Karachi où officiaient des eunuques et de jeunes garçons. Sous son déguisement, Burton infiltra les dits établissements, et livra un rapport très circonstancié décrivant par le menu tout ce qui s'y passait, et tout ce qui s'y disait. Napier rangea le document dans ses archives secrètes, histoire d'éviter tout scandale. C'est quand il fut remplacé que son successeur (ou l'un de ses subordonnés), découvrant le rapport, l'envoya à Bombay, accompagné d'une note demandant le renvoi immédiat de Burton (le rapport a depuis été perdu, dans les méandres de l'administration et de la décolonisation). On pense généralement que le coupable de cette indélicatesse était le colonel Corsellis, avec lequel Burton avait eu précédemment quelque querelle. Toujours est-il que Burton ne fut pas renvoyé. Cherchant à se faire oublier, Burton demanda à être affecté à une unité combattante dans le cadre de la guerre contre les Sikhs. Mais une maladie l'incapacita et il fut écarté. Il regagna alors l'Europe, où il ne se plaisait guère, mais où il prit le temps d'écrire des études sur l'Inde et sur la Fauconnerie, ainsi qu'un traité très novateur sur l'utilisation de la baïonnette. Il y rencontra aussi sa future femme. Puis il partit pour La Mecque, entamant une carrière d'explorateur récidiviste qui le rendit célèbre.

Commentaires

artemus dada a dit…
Excellent film sur le personnage avec Patrick Bergin : Aux sources du Nil.
Alex Nikolavitch a dit…
Superbe film, jamais sorti en DVD Zone 2. Du coup, je me suis procuré le zone 1, sans aucune VF ni piste de sous-titres (moi, ça me gêne pas, d'autant que j'avais vu le film 7 ou 8 fois avant de me procurer le DVD, passages télé et vieille K7 enregistrée obligent, mais j'aurais aimé avoir une copie VF pour mes enfants. Burton reste un de mes grands héros de jeunesse, et bon, je tiens à ce qu'ils connaissent)
Anonyme a dit…
Acabo de ver la pelicula sur Arte, et j'ai trouvé un personnage super interesant! Je ne connaissais pas. L'expedition avec son ami, fût tres controversé.
Je voudrais voir des livres sur lui dans les librairies pour savoir un peu plus, sur sa vie!!!Merce Arte pour la découverte de ce personnage, meconnu pour moi. Lourdes.
Alex Nikolavitch a dit…
Alors, en librairie, on trouve sa biographie par Fawn Brodie, Un Diable d'Homme, chez Phébus Libretto.
Les comptes rendus de l'expédition aux sources du nil par Burton et Speke étaient sortis chez Payot, mais ne sont plus réédités (on les trouve parfois en occasion).
Le compte rendu du Voyage à la Mecque était sorti chez Pygmalion en grand format, et a été réédité en poche, mais je ne me souviens plus chez qui, par contre.
Alex Nikolavitch a dit…
Et à propos, depuis cette notule, j'ai sorti deux BD sur ce grand homme, toujours disponibles chez Glénat !

Posts les plus consultés de ce blog

Le dessus des cartes

 Un exercice que je pratique à l'occasion, en cours de scénario, c'est la production aléatoire. Il s'agit d'un outil visant à développer l'imagination des élèves, à exorciser le spectre de la page blanche, en somme à leur montrer que pour trouver un sujet d'histoire, il faut faire feu de tout bois. Ceux qui me suivent depuis longtemps savent que Les canaux du Mitan est né d'un rêve, qu'il m'a fallu quelques années pour exploiter. Trois Coracles , c'est venu d'une lecture chaotique conduisant au télescopage de deux paragraphes sans lien. Tout peut servir à se lancer. Outre les Storycubes dont on a déjà causé dans le coin, il m'arrive d'employer un jeu de tarot de Marseille. Si les Storycubes sont parfaits pour trouver une amorce de récit, le tarot permet de produite quelque chose de plus ambitieux : toute l'architecture d'une histoire, du début à la fin. Le tirage que j'emploie est un système à sept cartes. On prend dans

Le Messie de Dune saga l'autre

Hop, suite de l'article de l'autre jour sur Dune. Là encore, j'ai un petit peu remanié l'article original publié il y a trois ans. Je ne sais pas si vous avez vu l'argumentaire des "interquelles" (oui, c'est le terme qu'ils emploient) de Kevin J. En Personne, l'Attila de la littérature science-fictive. Il y a un proverbe qui parle de nains juchés sur les épaules de géants, mais l'expression implique que les nains voient plus loin, du coup, que les géants sur lesquels ils se juchent. Alors que Kevin J., non. Il monte sur les épaules d'un géant, mais ce n'est pas pour regarder plus loin, c'est pour regarder par terre. C'est triste, je trouve. Donc, voyons l'argumentaire de Paul le Prophète, l'histoire secrète entre Dune et le Messie de Dune. Et l'argumentaire pose cette question taraudante : dans Dune, Paul est un jeune et gentil idéaliste qui combat des méchants affreux. Dans Le Messie de Dune, il est d

Fais-le, ou ne le fais pas, mais il n'y a pas d'essai

 Retravailler un essai vieux de dix ans, c'est un exercice pas simple. Ça m'était déjà arrivé pour la réédition de Mythe & super-héros , et là c'est reparti pour un tour, sur un autre bouquin. Alors, ça fait toujours plaisir d'être réédité, mais ça implique aussi d'éplucher sa propre prose et avec le recul, ben... Bon, c'est l'occasion de juger des progrès qu'on a fait dans certains domaines. Bref, j'ai fait une repasse de réécriture de pas mal de passages. Ça, c'est pas si compliqué, c'est grosso modo ce que je fais une fois que j'ai bouclé un premier jet. J'ai aussi viré des trucs qui ne me semblaient plus aussi pertinents qu'à l'époque. Après, le sujet a pas mal évolué en dix ans. Solution simple : rajouter un chapitre correspondant à la période. En plus, elle se prête à pas mal d'analyses nouvelles. C'est toujours intéressant. La moitié du chapitre a été simple à écrire, l'autre a pris plus de temps parce q

Hail to the Tao Te King, baby !

Dernièrement, dans l'article sur les Super Saiyan Irlandais , j'avais évoqué au passage, parmi les sources mythiques de Dragon Ball , le Voyage en Occident (ou Pérégrination vers l'Ouest ) (ou Pèlerinage au Couchant ) (ou Légende du Roi des Singes ) (faudrait qu'ils se mettent d'accord sur la traduction du titre de ce truc. C'est comme si le même personnage, chez nous, s'appelait Glouton, Serval ou Wolverine suivant les tra…) (…) (…Wait…). Ce titre, énigmatique (sauf quand il est remplacé par le plus banal «  Légende du Roi des Singes  »), est peut-être une référence à Lao Tseu. (vous savez, celui de Tintin et le Lotus Bleu , « alors je vais vous couper la tête », tout ça).    C'est à perdre la tête, quand on y pense. Car Lao Tseu, après une vie de méditation face à la folie du monde et des hommes, enfourcha un jour un buffle qui ne lui avait rien demandé et s'en fut vers l'Ouest, et on ne l'a plus jamais revu. En chemin,

Le silence des anneaux

 C'était un genre de malédiction : chaque fois que j'ai essayé de me mettre aux Anneaux de Pouvoir, j'ai eu une panne d'internet dans la foulée. Et comme je peux pas tout suivre non plus, et que sans m'avoir totalement déplu, les premiers épisodes ne m'avaient pas emporté, j'étais passé à autre chose. Finalement, j'ai complété la première saison. Je vous ai dit que j'étais toujours super en avance sur les série télé ? Genre j'ai fini The Expanse l'an passé seulement. Et donc, qu'est-ce que j'en pense ? On est un peu sur le même registre que Fondation . Des tas de concepts sont repris, d'autre sont pas forcément compris, et on triture la chronologie.   C'est compliqué par le fait que les droits ne couvrent que le Seigneur des Anneaux et ses appendices, une source forcément incomplète dès qu'on se penche sur les origines de ce monde. Le reste est zone interdite et les auteurs ont dû picorer dans des références parfois obsc

Archie

 Retour à des rêves architecturaux, ces derniers temps. Universités monstrueuses au modernisme écrasant (une réminiscence, peut-être, de ma visite de celle de Bielefeld, il y a très longtemps et qui a l'air d'avoir pas mal changé depuis, si j'en crois les photos que j'ai été consulter pour vérifier si ça correspondait, peut-être était-ce le temps gris de ce jour-là mais cela m'avait semblé bien plus étouffants que ça ne l'est), centres commerciaux tentaculaires, aux escalators démesurés, arrière-lieux labyrinthiques, que ce soient caves, couloirs de service, galeries parcourues de tuyauteries et de câblages qu'on diraient conçues par un Ron Cobb sous amphétamines. J'erre là-dedans, en cherchant Dieu seul sait quoi. Ça m'a l'air important sur le moment, mais cet objectif de quête se dissipe avant même mon réveil. J'y croise des gens que je connais en vrai, d'autres que je ne connais qu'en rêve et qui me semblent des synthèses chimériqu

Nettoyage de printemps

 Il y a plein de moyens de buter sur un obstacle lorsqu'on écrit. Parfois, on ne sait pas comment continuer, on a l'impression de s'être foutu dans une impasse. C'est à cause de problèmes du genre qu'il m'arrive d'écrire dans le désordre : si je cale à un endroit, je reprends le récit plus tard, sur un événement dont je sais qu'il doit arriver, ce qui me permet de solidifier la suite, puis de revenir en arrière et de corriger les passages problématiques jusqu'à créer le pont manquant.  D'autres tiennent à des mauvais choix antérieurs. Là, il faut aussi repartir en arrière, virer ce qui cloche, replâtrer puis repartir de l'avant. Souvent, ça ne tient qu'à quelques paragraphes. Il s'agit de supprimer l'élément litigieux et de trouver par quoi le remplacer qui ne représente pas une contrainte pour le reste du récit. Pas praticable tout le temps, ceci dit : j'en parlais dernièrement, mais dès lors qu'on est dans le cadre d'

Sortie de piste

 Deux sorties culturelles cette semaine. C'est vrai, quoi, je ne peux pas rester confiner non stop dans mon bunker à pisser du texte. La première, ça a été l'expo sur les chamanes au musée du Quai Branly, tout à fait passionnante, avec un camarade belge. Je recommande vivement. Les motifs inspiré des expériences psychédéliques Les boissons locales à base de lianes du cru Les tableaux chamaniques Truc intéressant, ça s'achève par une expérience en réalité virtuelle proposée par Jan Kounen, qui visiblement n'est jamais redescendu depuis son film sur Blueberry. C'est conçu comme un trip et c'en est un L'autre sortie, avec une bonne partie de la tribu Lavitch, c'était le Dune part 2 de Denis Villeneuve. Y a un lien entre les deux sorties, via les visions chamaniques, ce qu'on peut rapprocher de l'épice et de ce que cela fait à la psyché de Paul Muad'dib. Par ailleurs, ça confirme ce que je pensais suite à la part 1, Villeneuve fait des choix d&#

Nettoyage de printemps (bis)

 Une étagère de mon bureau était en train de s'effondrer sous le poids des bouquins. C'est un peu le destin de toutes les étagères à bouquin en agglo, surtout lorsque comme moi on pratique le double rayonnage et la pile branlante.     J'ai profité de deux facteurs, du coup : 1- Ma connexion internet était à nouveau en rade et je ne pouvais plus bosser. 2- Mon fiston avait besoin que je lui file un coup de main dans son appart et que je l'aide à acheter un peu de matériel à cet effet, dans une grande surface spécialisée au nom absurde puisqu'il associe la fonction d'Arthur au nom de son enchanteur, créant une fusion à la Dragon Ball dont Chrétien de Troyes n'aurait osé rêver. Bref, j'ai passé les deux jours suivant à virer des étagères déglinguées, à les remplacer par des trucs de meilleure qualité et d'un peu plus grande capacité (oui, c'était pensé) pour m'apercevoir de deux trucs : 1- Le modèle que j'ai acheté a changé de quelques centi

Le Totoro par les cornes

Mon voisin Totoro est devenu l'un des films les plus emblématiques d'Hayao Miyazaki et du studio Ghibli, au point que le bestiau leur sert à présent de logo. Complètement transgénérationnel, il supporte aussi bien la vision par des petits, qui s'identifient aux personnages, ou par des adultes, qui y voient un récit sur le rapport à l'enfance et à l'imaginaire, ainsi que sur le rapport à la nature, qui est un des thèmes récurrents de l'auteur. Mais il est l'occasion également de se pencher sur le fond culturel qui l'a produit.    Ça a changé, le terrier du lapin blanc… Et c'est celui du Shintoïsme, la religion traditionnelle du Japon. Et qui dit Shinto dit animisme (et on explique généralement la passion des japonais pour les robots par leur animisme et la capacité associée à projeter leurs émotions sur des objets), mais surtout chamanisme. Et là, ça n'en a pas l'air, mais on est en plein dedans. Pour situer, le chamanisme est